jueves, 18 de febrero de 2016

Le XVIIe siècle




Le XVIIe siècle a été pour la littérature française un époque merveilleuse, qui commence à avec Malherbe, Regnier et Guez de Balzac, et, passant par les deux périodes les plus brillantes, celle de la jeunesse ou de Descartes, de Corneille, de Pascal, et de Molière, et celle de la maturité ou de Boileau, de Racine, de La Fontaine, de Sévigné, de Bossuet, et de Bourdaloue, achève sa verte et vigoureuse vieillesse avec La Bruyère, Fénelon, et Massillon.
Première période (1610-1660) 
Le XVIIe siècle n'offre d'abord qu'une confusion extrême : l'âge précédent se prolonge dans celui-ci, et la limite est difficile à marquer. Le XVIIe siècle commence dès 1600 avec Malherbe; par Montchrestien et d'Aubigné, le XVIe siècle s'étend jusqu'à 1620 et même 1630. Dans cette confusion féconde et puissante, où ce qui naît se mêle avec ce qui finit, quelques faits généraux se laissent distinguer. Dans la littérature, comme ailleurs, les passions politiques et religieuses s'amortissent; l'amour de la paix, de l'ordre, de l'unité, impose la monarchie absolue. Un grand courant de libertinage, philosophique et mondain, apparaît, et, en face, un fort mouvement de renaissance catholique, qui trouve d'illustres représentants, particulièrement à Port-Royal
 A l'Hôtel de Rambouillet se constitue une société polie, qui prépare un public et un joug, aux écrivains. L'esprit mondain, se combinant avec l'influence italienne transmise du XVIe siècle et avec l'influence espagnole qui va tout envahir, produit le goût précieux, dont le goût héroïque et le goût burlesque ne sont que des formes extrêmes. Sous cette pression, la littérature s'éloigne du naturel à la recherche du fin, du grand, du bouffon, c'est-à-dire toujours du rare et de l'étonnant. Cependant, l'art classique s'organise peu à peu, sur le double principe de l'observation morale et de la régularité formelle. La philosophie cartésienne opère d'abord comme un auxiliaire de l'art classique et de la religion, en attendant qu'elle aide à les dissoudre : par le goût du vrai, le respect de la logique et de la raison, l'intérêt donné aux choses de l'âme, elle aide l'esprit classique à se dégager du lyrisme et du précieux. Enfin, la langue épurée par Malherbe, nuancée et raffinée par l'effort du monde précieux, achève autant qu'il est possible, de se fixer par le travail réfléchi de l'Académie française, de Vaugelas et des grammairiens. Elle accroît sa richesse intellectuelle en perdant de sa variété pittoresque et de son énergie.
Les genres.  
Dans la poésie agonise l'inspiration lyrique. Malherbe, esprit net et discoureur éloquent, ouvrier excellent de la langue et du vers, est combattu par Théophile, suivi par Racan, tous les deux plus poètes et plus naturels que lui. En Voiture se consomme la transformation du sentiment poétique en esprit précieux. La galanterie fine envahit la poésie. Mais Saint-Amand, tour à tour éperdument fantaisiste ou crûment réaliste, grand peintre de paysages et d'intérieurs, et Scarron, l'auteur du Virgile travesti, qui pour dix ans mit le burlesque à la mode, montrent deux natures diversement originales et puissantes : le premier est plus artiste et moins vulgaire, même en ses grossièretés.
Le roman, après avoir contribué par l'Astré à former l'esprit mondain, n'en est plus que le reflet affaibli : pastoral, non sans poésie, avec d'Urfé, exotique sans pittoresque avec Gomberville, historique sans vérité avec La Calprenède et Mlle de Scudéry, il s'oriente vers la description morale et l'analyse des caractères, sans renoncer aux aventures incroyables et aux sentiments hors nature. Il ne produit, hormis l'Astrée, que des oeuvres interminables et médiocres, oeuvres de mode incapables de survivre à la mode. En face de ce faux idéalisme se pose le roman, qui traduit la réalité commune, réaliste chez Sorel (Francion), burlesque chez Scarron (Roman comique).
Misérable est l'épopée. Malgré les sujets modernes et nationaux, elle n'a rien de national ni de moderne : asservie à l'imitation inintelligente de l'Enéide et de la Jérusalem délivrée écrasée sous les règles, remplaçant le sentiment de la nature par un faux goût décoratif, elle ne produit que des ouvres pédantesques, pompeuses et froides (le P. Lemoyne, Scudéry, Chapelain, Desmarets). 

Au contraire, le théâtre s'organise et donne des chefs-d'oeuvre. Au début, confusion et inégalité, avec Hardy, qui continue à produire. Racan, à défaut de dramatique, met de la poésie dans la pastorale. Vers 1630, le public a pris goût au théâtre, et Rotrou, Du Ryer, Scudéry, Corneille, Tristan apparaissent. Leur aîné, Mairet, apporte les règles des trois unités, qu'il emprunte aux Italiens et donne pour les règles des anciens; Chapelain, puis d'Aubignac l'aident à les imposer. Le triomphe des règles assure celui de la tragédie; la pastorale, puis la tragi-comédie s'éliminent. Rotrou a mis de la fantaisie, du lyrisme dans la folle intrigue tragi-comique; Corneille, dans la tragi-comédie du Cid, découvre la tragédie. Il lui donne sa forme, enfermant, dans une action soigneusement graduée, une étude serrée de la psychologie humaine, et posant l'intérêt dramatique dans le conflit des caractères. Il remplit ses oeuvres d histoire et de politique, et surtout expose sa conception originale de la volonté souveraine, d'où il tire le sublime de son théâtre. Son exemple conduit Rotrou à écrire quelques belles tragédies poétiques et passionnées. La comédie ne se débrouille pas encore : tour à tour précieuse, lyrique, bouffonne, caricaturale, intriguée, elle a peine à se distinguer de la tragi-comédie, de la pastorale et de la farce : Corneille, dans le Menteur, en définit du moins le ton et donne un modèle de dialogue comique.
La prose a été réglée par Balzac, qui coule des lieux communs de morale et de politique dans une large phrase oratoire : sa pensée ne remplit pas sa forme. Descartes, qui a la pensée, n'a pas l'art. Enfin, la forme et l'idée se rejoignent au milieu du siècle dans Pascal. Il apporte aux jansénistes, contre les jésuites, le secours de son génie âpre, fait de méthode et de passion. Les Provinciales par leur logique vigoureuse et leur agrément infini, marquent la perfection de la prose française. Puis, se retournant contre les libertins et mettant au service de sa foi toutes les ressources de l'esprit scientifique et de l'analyse, Pascal prépare une Apologie de la religion chrétienne, dont les fragments, incomplets, obscurs et profonds, d'une inépuisable richesse de pensée et d'une beauté de forme incomparable, fourniront le livre des Pensées.
Deuxième période (1660-1715)
Un grand changement se fait voir après 1660, vers le temps où Louis XIV commence à gouverner par lui-même. Par l'adoration qu'il excite, il absorbe le patriotisme dans le sentiment monarchique, et, par son despotisme jaloux, il éteint l'esprit politique. L'inspiration chrétienne domine et oblige le libertinage à se cacher, jusqu'à ce qu'il reparaisse à la fin du règne sous ses deux formes de débauche élégante et de libre philosophie. La préciosité des ruelles fait place à l'esprit de cour plus simple et plus fin; une nouvelle préciosité de salon renaîtra vers la fin du siècle, combinant la philosophie avec le bel esprit. Mais le grand fait de cette période est que l'art classique achève de s'y organiser : un petit groupe de grands écrivains, réagissant contre l'esprit précieux et dépassant l'esprit de cour, ramène la littérature à la raison, c'est-à-dire à la vérité, à la peinture exacte et simple de la nature. S'affranchissant des influences italiennes et espagnoles, qui s'écartent de la nature, ils vont aux anciens, où ils trouvent la vérité dans la beauté. A cette école qui, autour de Boileau, réunit Racine, La Fontaine, et Molière, se rallient les plus grands des prosateurs : Bossuet, La Bruyère, Fénelon, que leur goût personnel conduit à prendre pour mot d'ordre vérité et Antiquité.
Les genres.  
Dans la poésie, le lyrisme est éteint. La poésie galante et spirituelle, de cour ou de salon, pullule Benserade en est le meilleur représentant avec Mme Deshoulières, et plus tard l'abbé de Chaulieu. La Fontaine, dans ses Fables, se tire hors de la poésie à la mode, et fait tenir dans le petit cadre du genre une riche substance morale, pittoresque et lyrique. Boileau, réaliste un peu vulgaire, moraliste assez banal, dans ses Satires et ses Epîtres, crée la véritable critique, qui est l'application d'une esthétique, et donne dans l'Art poétique les lois de l'art classique.
La comédie se dégage avec Molière. De la farce par laquelle il débute, il tire une comédie de moeurs et de caractère, où le comique puissant enveloppe une conception originale de la vie. La comédie de caractère qu'il a créée meurt avec lui. Regnard, sans observation pénétrante, donne des comédies spirituelles, où la gaieté va jusqu'au lyrisme. Dancourt fait une comédie réaliste, appliquée, sans intention morale, à l'expression de réalités basses. Le Sage, par le ramassé de l'observation et l'énergie de la satire, élève ce genre presque à la hauteur de la comédie de caractère.
Dans la tragédie, la politique de Corneille est délaissée. L'amour s'y substitue comme matière tragique. Quinault offre l'analyse du sentiment tel qu'il peut éclore dans la vie artificielle de la cour. Racine, à l'aide des anciens, remonte à l'amour passionné, et offre d'admirables tableaux poétiques, où l'histoire et la légende, artistement évoquées, encadrent les fureurs et les crimes de l'amour; sans changer la forme tragique que Corneille avait constituée, gardant l'action rapide et l'analyse serrée, il a trouvé dans la passion de l'amour le moyen de rendre à l'oeuvre dramatique le caractère pathétique et touchant que la tragédie française semblait perdre. Mais autour de lui, et après lui, ni ses rivaux, comme Pradon, ni ses disciples, Campistron, Lagrange-Chancel, ne comprennent son art leurs tragédies, froides et fausses, sacrifiant la vérité des sentiments à la nécessité de l'intrigue, montrent la décadence du genre, qui ne semble se relever parfois qu'en inclinant vers le mélodrame et le spectacle.
Dans la prose, le roman se resserre et se raffine avec Mme de La Fayette, dont l'analyse est pénétrante et originale. Puis il évolue, à travers des oeuvres médiocres, mémoires apocryphes et prétendues histoires, vers une peinture plus particulière des moeurs et des milieux, remplaçant peu à peu l'analyse par la sensibilité. Sous le roman héroïque ou noble vit toujours le roman réaliste et satirique avec Furetière, et, tout à la fin du règne, avec Le Sage, qui donne ses premières esquisses de moeurs.
Deux genres neufs se développent, appropriés au goût du siècle pour l'observation morale : les maximes et les portraits. La Rochefoucauld, dans ses Maximes, recherche l'amour-propre de l'homme dans toutes ses actions. Les Pensées, extraites des papiers de Pascal, se présentent comme l'oeuvre d'un profond moraliste chrétien. Enfin, La Bruyère, dans ses Caractères, sans système ni originalité philosophique, étudie et note avec exactitude, dans un style très travaillé et ingénieux, les expressions sensibles du caractère et du sentiment intérieurs.
L'éloquence religieuse manifeste la puissance de l'esprit chrétien avec Bossuet, plus poète et plus philosophe, Bourdaloue, plus exclusivement moraliste et analyste, Fénelon, plus spontané, familier et sensible. Mais le déclin se manifeste dans la rhétorique élégante de Fléchier, puis dans la rhétorique philosophique et sentimentale de Massillon.
Cependant, la vie intense du catholicisme et le talent de quelques ecclésiastiques ont conquis pour un temps à la littérature les provinces de la théologie et de la controverse. Bossuet fait lire au monde les sévères discussions de son Histoire des variations et de ses Avertissements aux protestants. Fénelon et lui l'occupent de leurs aigres et éloquentes polémiques sur le quiétisme. Soumettant l'histoire à la théologie, Bossuet donne le Discours sur l'histoire universelle. Malebranche mêle son catholicisme mystique et l'idéalisme cartésien, et charme le public en inquiétant les théologiens par l'essor hardi de sa pensée.
Si les historiens, les Dupleix, les Mézeray, les Daniel, ne donnent rien que de médiocre, les hommes d'action, les femmes même laissent des mémoires intéressants. La Rochefoucauld, Mlle de Montpensier, Mme de Motteville, Louis XIV même, Mme de La Fayette, Fléchier, Mme de Caylus, sont à lire : le cardinal de Retz les domine tous par la vie de ses récits et la profondeur de ses portraits. Saint-Simon regarde et n'écrit pas encore.


Le talent de la conversation, développé par la vie de société, produit une littérature épistolaire riche et exquise. Parmi les lettres de Racine, de Fénelon, de Bussy-Rabutin, de Saint-Evremond, se distinguent celles de deux femmes, la raisonnable Mme de Maintenon, et surtout la vive, intelligente et ardente Mme de Sévigné, dont la correspondance a pris place parmi les chefs-d'oeuvre du siècle.

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