domingo, 31 de enero de 2016

Racine (La Ferté-Milon 1639-Paris 1699)

Poète tragique français



Le 21 décembre 1639, à la Ferté-Milon (Picardie)

 Issu d'un milieu bourgeois plutôt modeste – son père a les charges de procureur au bailliage et de greffier au grenier à sel de La Ferté-Milon –, Jean Racine est orphelin de mère à 2 ans et de père à 4 ans. Il est alors (1643) recueilli par ses grands-parents maternels. Les relations avec l'abbaye janséniste de Port-Royal vont imprégner toute la vie de Racine. Il y subira l'influence profonde des « solitaires » et de leur doctrine exigeante.
L'une de ses tantes y est religieuse ; sa grand-mère s'y retire à la mort de son mari (1649). L'enfant est alors admis aux Petites Écoles à titre gracieux. Deux séjours dans des collèges complètent sa formation : le collège de Beauvais (1653-1654) et le collège d'Harcourt, à Paris, où il fait sa philosophie (1658).
À 20 ans, nanti d'une formation solide mais démuni de biens, Racine est introduit dans le monde par son cousin Nicolas Vitart (1624-1683), intendant du duc de Luynes. Il noue ses premières relations littéraires (La Fontaine) et donne ses premiers essais poétiques. En 1660, son ode la Nymphe de la Seine à la Reine, composée à l'occasion du mariage de Louis XIV, retient l'attention de Charles Perrault. Mais, pour assurer sa subsistance, il entreprend de rechercher un bénéfice ecclésiastique et séjourne à Uzès (1661-1663) auprès de son oncle, le vicaire général Antoine Sconin. Rentré à Paris en 1663, il se lance dans la carrière des lettres.
La carrière théâtrale
Rejetant la morale austère de Port-Royal et soucieux de considération mondaine et de gloire officielle, Racine s'oriente d'abord vers la poésie de cour : une maladie que contracte Louis XIV lui inspire une Ode sur la convalescence du Roi (1663). Il récidive aussitôt avec la Renommée aux muses. Le duc de Saint-Aignan (1607-1687) l'introduit à la cour, où il rencontre Molière et Boileau. Lorsque Colbert fait distribuer des gratifications annuelles aux écrivains, Racine figure parmi les bénéficiaires. C'est alors qu'il se tourne vers le théâtre.
Les débuts et la brouille avec Molière
Le 20 juin 1664 est créée la première tragédie de Racine : la Thébaïde, qui n'obtient qu'un succès d'estime (douze représentations en un mois), bien que la troupe de Molière ait monté la pièce avec soin.
Suit Alexandre le Grand, que joue d'abord la troupe de Molière, en 1665. Insatisfait des acteurs, Racine n'hésite pas à remettre sa pièce à la compagnie rivale, celle de l'Hôtel de Bourgogne, ce qui lui vaudra la brouille définitive avec Molière.
Succès côté cour … et côté jardin
L'année suivante, il publie la Lettre à l'auteur des « Hérésies imaginaires », contre son ancien maître janséniste Pierre Nicole, qui venait de condamner le genre théâtral. Pourtant, le jeune dramaturge, enivré de ses succès, entend bien persévérer dans la voie criminelle du théâtre. La rupture avec Port-Royal est alors consommée.
En 1667, Andromaque est créée dans les appartements de la reine, puis jouée à l'Hôtel de Bourgogne. Cette fois, le succès est immense. Désormais, Corneille sait qu'il a un rival.
L'amour du théâtre est propice aux liaisons avec les comédiennes : Racine s'éprend d'abord de la Du Parc, qui le paie de retour, puis de la Champmeslé, qu'il fait débuter à l'Hôtel de Bourgogne dans le rôle d'Hermione au printemps 1669. Cependant, ce n'est pas sur lui-même que Racine a étudié les effets et les ravages de l'amour-maladie : son imagination, sa sensibilité, son talent ont fait leur office. Son œuvre n'est pas une confidence.
La décennie glorieuse
En 1668, Racine écrit ce qui sera son unique comédie, les Plaideurs. Mais c'est surtout avec Britannicus (1669) – dans lequel, en prenant pour sujet et pour cadre l'histoire romaine, Racine s'engage sur le terrain de prédilection de son rival, Corneille – que sa gloire devient éclatante. Dès lors, il rencontre le succès avec chacune de ses pièces : en 1671 avec Bérénice, en 1672 avec Bajazet, en 1673 (année où le poète est élu à l'Académie française) avec Mithridate, en 1674 avec Iphigénie en Aulide. Trois ans plus tard, Racine fait éditer son théâtre et donne Phèdre. Louis XIV lui octroie alors une gratification exceptionnelle de 6 000 livres et le charge, avec Boileau, d'être son historiographe.
Chacune des pièces de Racine fit lever cabales, libelles, parodies et pamphlets, qui témoignèrent à la fois de ses succès et de l'acharnement d'une opposition qui ne désarma pas.
Dévotion privée et honneurs publics
Après son mariage (1677) avec Catherine de Romanet, une parente de son cousin Nicolas Vitard, et revenu lui-même à la religion de son enfance, Racine vit en bon époux et en bon chrétien. Il exhorte ses sept enfants à la piété la plus stricte et quatre de ses filles entreront dans les ordres.
Au service du roi
Négligeant désormais le théâtre que la cour, de plus en plus dévote, voit d'ailleurs avec moins d'enthousiasme, Racine joue sans hésiter son rôle d'écrivain thuriféraire du roi. Cela lui vaut, en retour, d'être parmi les familiers de la cour, d'avoir un logis à Versailles, et ses entrées dans le cercle privilégié que le roi réunit à Marly. En 1678, il suit Louis XIV dans ses campagnes. Sa production d'historien reste cependant mince ; on lui devra surtout un Éloge historique du Roi sur ses conquêtes (1684) et une Relation du siège de Namur (1692). Réconcilié avec Port-Royal (il laissera un Abrégé de l'histoire de Port-Royal, posthume), Racine entre en 1683 à l'Académie des inscriptions et se trouve, avec Boileau encore, chargé de préparer les inscriptions latines que le roi fait graver au-dessous des peintures qui décorent Versailles. Il achète en 1690 une charge de gentilhomme ordinaire de la chambre.
Inspiration sacrée
Durant cette période, Racine jouit également de la protection de Mme de Maintenon. Celle-ci avait ouvert à Saint-Cyr une institution pour jeunes filles nobles démunies. Afin de leur faire pratiquer le chant, le jeu théâtral, et leur donner en même temps des divertissements édifiants, elle commande au poète des tragédies religieuses. Racine revient donc au théâtre mais à un théâtre d'inspiration sacrée : il écrit Esther, créée à Saint-Cyr en 1689 en présence du roi et très appréciée du public de cour, puis Athalie (1691).
Un zèle imprudent pour Port-Royal à une époque où la persécution se faisait sentir le met en délicatesse avec Mme de Maintenon et en demi-disgrâce à la Cour. Après avoir souffert d'un abcès au foie, Racine s'éteint le 21 avril 1699. Louis XIV lui accorde la sépulture à Port-Royal.
L’œuvre de Racine
Une inspiration profane, puis chrétienne
Comparée à l’œuvre de ses contemporains, tels Corneille ou Molière, la production de Racine est moins abondante. Il n’écrivit que douze pièces au total ; mais quelles pièces !
L’ensemble s’articule en deux volets : les tragédies de la période théatralement féconde, avec la parenthèse d’une seule comédie, les Plaideurs (satire visant le monde judiciaire) ; puis les deux tragédies d’inspiration biblique, Esther et Athalie, pièces de circonstance mais traductions personnelles d’un retour à la foi.
Les grandes tragédies de la période la plus créatrice, aux thèmes non-religieux, permettent de définir les caractéristiques du théâtre racinien : un respect des règles qui ont conditionné l’art classique, une évolution dans le traitement des personnages et de l’action qui rompent avec la tradition des pièces héroïques ou exemplaires, l’obsession de représenter des passions exacerbées, enfin une fluidité musicale du langage.
Le respect rigoureux des règles classiques
Contrairement à Corneille, Racine respecte sans difficulté ces contraintes héritées du théâtre antique et codifiées par Boileau dans son Art poétique : « Qu’en un lieu, un seul jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ». Dans la préface de Britannicus, il se dit partisan d’« une action simple chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour et qui, s’avançant par degrés vers sa fin, n’est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages ». Il n’a jamais dérogé à ces obligations.
L'exaltation des sentiments est toute l'action
Phèdre déroule dans le cadre d’une journée les événements qui mènent la jeune épouse du roi Thésée à déclarer son amour à son beau-fils puis à se donner la mort au retour de son mari. Ou bien, dans Andromaque, ce même délai permet au roi Pyrrhus d’hésiter entre deux femmes, Hermione et Andromaque, de choisir la seconde et de périr des coups portés par un homme armé par la femme abandonnée.
La représentation de sentiments exaltés et l’arrivée d’événements dramatiques et sanglants ne créent pas une multitude d’éléments disparates ; tout repose sur une ligne simple qui suit son évolution, depuis l’exposition jusqu’au dénouement.
Captiver avec rien ?
Poussant la règle des trois unités jusqu’à son utilisation la plus minimale, Racine a même imaginé une action réduite à des faces à face et à une séparation du couple principal sans qu’intervienne aucun rebondissement. C’est le cas de Bérénice où la reine de Judée, Bérénice, et l’empereur de Rome, Titus, sacrifient leur amour aux intérêts de l'État. Dans sa préface à cette tragédie, Racine explique vouloir : « faire une tragédie avec cette simplicité d’action qui a été si fort du goût des anciens […] Il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien ». Il s'agit pour lui en effet d'« attacher durant cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression. » Ainsi s’oppose-t-il aux auteurs dont les pièces accumulent les incidents et les coups de théâtre…
Le respect du contexte antique
Quelques exceptions
D’une manière paradoxale, le théâtre classique – et surtout le genre de la tragédie – place sa modernité dans une transposition des actions et des sentiments dans un contexte antique. Les pièces doivent le plus possible puiser dans la mythologie gréco-romaine, les tragédies des Anciens ou les faits relatés par les historiens grecs et latins. Racine a plusieurs fois dérogé à ce principe.
L’action des Plaideurs se passe de son temps, puisque c’est une charge contre la justice telle qu’il l’a connue (même si la trame est inspirée des Guêpes d’Aristophane), mais cela est admis dans le registre comique, genre moins noble.
Plus inattendu : l’action de Bajazet a lieu au xviie siècle, mais en Turquie. Dans sa seconde préface, Racine soutient que la distance géographique a le même sens que la distance dans le temps (« On peut dire que le respect qu’on a pour les héros augmente à mesure qu’ils s’éloignent de nous [… ] L’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps »). Enfin, les deux tragédies tardives, Esther et Athalie, ont prennent leurs sources dans les « Saintes Écritures »  – ce qui est une autre forme d’éloignement.
Sous le masque de l'Antiquité gréco-romaine
L’Antiquité reste dominante. Cette Histoire ancienne, et ses auteurs – historiens et dramaturges,- Racine les connaît parfaitement. Dans les préfaces de ses pièces, il dispute à distance avec ceux qui contestent telle ou telle transposition et les contredit avec une imparable érudition. Si l’on examine les sujets des huit pièces « antiques », on constate que l’histoire et la mythologie grecque l’emportent, de peu, sur les sujets romains. Quatre pièces, la Thébaïde (qui s’inspire du mythe d’Antigone et de ses frères), Andromaque, Iphigénie et Phèdre suivent d’assez près des sujets traités par les grands auteurs grecs. Alexandre le Grand relève, comme son titre l’indique, de l’histoire hellénique. En relation avec l’histoire romaine, il ne reste que trois œuvres, Britannicus, Bérénice et Mithridate.
Vu sous cet angle, le théâtre de Racine serait plus grec que romain. Mais les deux inspirations se rejoignent dans une même vision poétique du passé, un temps à la fois réel et idéalisé, authentique et imaginaire où l’on peut à la fois interroger l’Histoire et transposer le présent d’une façon masquée.
D’une façon indirecte, Racine, dans sa préface à Iphigénie, reconnaît que l’Antiquité recèle une traduction de l’actualité : « J’ai reconnu avec plaisir, par l’effet qu’a produit sur notre théâtre, tout ce que j’ai imité ou d’Homère ou d’Euripide, que le bon sens et la raison étaient les mêmes dans tous les siècles. Le goût de Paris s’est trouvé conforme à celui d’Athènes. Mes spectateurs ont été émus des mêmes choses qui ont mis autrefois en larmes le plus savant peuple de la Grèce. » Les contemporains de Racine y voyaient même parfois des allusions transparentes à des personnages de la Cour…
La passion mise à nu
Racine a parfois affirmé que son théâtre était une école de vertu. Si cela est vrai pour ses deux dernières tragédies, Esther et Athalie, il n’en est rien pour ses principales tragédies. Toutes, et surtout ses chefs-d’oeuvre les plus célèbres, donnent à voir la passion amoureuse dans sa violence la plus incontrôlable. Chez les amants raciniens, il n’y a plus de morale, plus de religion, plus d’interdit – même si certains commentateurs discernent en arrière-plan un sens caché du péché et d’un Dieu chrétien jamais totalement effacé. Ces amoureux sont transportés par leurs passions, jusqu’à la mort – la leur ou celle des autres.
Tous sont le jouet de leurs passions
Phèdre défie les tabous en avouant son amour à son beau-fils et, ayant avoué sa faute, se donne la mort. Hermione, dans Andromaque, se venge de ne pouvoir garder l’amour de Pyrrhus et fait tuer par Oreste ce roi qu’elle devait épouser. Néron, dans Britannicus, fait arrêter puis empoisonne son rival Britannicus dans l’espoir de posséder la jeune Junie. La vie d’Iphigénie, promise au sacrifice, n’est qu’un jouet pour son père Agamemnon qui fait passer l’ambition personnelle avant l’amour paternel. Roxane, la favorite du sultan, est prête à tout pour l’amour du frère du sultan, Bajazet, qui feint de l’aimer ; découvrant qu’il la trompe, elle le fait assassiner.
Bérénice et Andromaque sont les deux héroïnes raciniennes qui ne paieront pas de leur vie leur passion pour un homme dont elles n’obtiendront rien : la première, parce que le couple prend conscience du caractère impossible de leur amour ; la seconde, parce que la mort du roi Pyrrhus qu’elle a séduit, tué à la demande de sa rivale Hermione, la transforme en reine héritière malgré elle.
« Exciter la compassion et la terreur »
Pour Racine, le sujet, le territoire, l’objet même de la tragédie, c’est la passion. Et son but, suivant la formule héritée d'Aristote, « exciter la compassion et la terreur, qui sont les véritables effets de la tragédie » (préface d’Iphigénie). Mais sa grande nouveauté est de faire de ses héros des personnages simples, crédibles, vraisemblables, ressemblant aux personnes de son époque, à l’opposé des figures souvent boursouflées et excessives des tragédies baroques.
Dès Andromaque, il affirmait que, suivant les conseils d’Aristote, les protagonistes ne devaient être ni « tout à fait bons, ni tout à fait méchants » et tomber « dans quelque faute qui les fasse plaindre sans les faire détester ». Aussi, chez lui, la représentation des plus violents excès de la passion ne met-elle pas en cause le caractère éminemment humain de personnages en proie à des émotions et des aspirations contradictoires. Héros et héroïnes sont déjà ce qu’on appellera beaucoup plus tard anti-héros et anti-héroïnes.
L’extrême musicalité du vers racinien
Plus encore que les autres auteurs classiques, Racine est un poète. Ses alexandrins sont si rythmés et musicaux qu’on a parfois soutenu que ses tragédies ne gagnaient rien à être jouées et qu’il fallait les écouter comme des poèmes. Les mises en scène modernes nous ont prouvé le contraire : les scènes sont fortes, structurées, pas du tout fondées sur la seule incantation. Mais, alors que Corneille et Molière ont une formation rhétorique et jouent volontiers avec la forme du discours, Racine se place davantage à l’intérieur du flux de la conscience de ses personnages et leur donne un langage plus fluide, où les mots se répondent dans une forme d’assonance et de chant. Les propos sont en situation, participent à l’action mais peuvent être aussi détachés, isolés, comme des phrases dont la beauté enchante et la profondeur bouleverse.
Ainsi Phèdre se voyant tout haut à la place d'Ariane et menant un Hippolyte-Thésée :
« Et Phèdre au Labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée ou perdue. »
(Phèdre, acte II, scène V).
Ou Junie répondant à Britannicus :
« J’ose dire pourtant que je n’ai mérité
Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité »
(Britannicus, II, 3).

Balancements, symétries, juxtapositions de termes antinomiques (oxymores) et assonances suggestives traduisent brillamment dans le vers racinien les impasses qui enferment, la fureur qui transporte, l'effarement qui rend fou ; ainsi dans le célébrissime alexandrin d'Oreste perdant la raison : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? »
(Andromaque, V, 5).
La maîtrise du lyrisme stylistique donne au vers une mélodie prégnante propre à Racine.

sábado, 30 de enero de 2016

Andromaque Racine Résumé


Présentation d'Andromaque

Andromaque est une tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine (1639-1699), créée à Paris au théâtre de l’hôtel de Bourgogne en 1667, et publiée à Paris chez Girard en 1668.
 Troisième pièce de Racine, cette tragédie marque le véritable point de départ de sa carrière. Il s’y inspire essentiellement de l’Énéide, de l’Andromaque d’Euripide, de la Troade de Sénèque, probablement aussi du sixième livre de l’Iliade et de certaines pages de Darès. Le succès fut immense mais les critiques fusèrent et, dès mai 1668, Molière joua la Folle Querelle de Subligny qui prétendait pointer les défauts de la pièce. Andromaque surmonta ces attaques et reste, aujourd’hui encore, la pièce la plus appréciée de Racine. Les recherches des metteurs en scène contemporains témoignent de cette vitalité: notamment celle de D. Mesguich (1975) ou celle de J.-P. Roussillon (1974) qui mettaient à mal les représentations traditionnelles de la pièce, ou encore celle Pierre Dux qui, en 1964, proposait une mise en scène plus respectueuse de la tradition dans laquelle tout accentuait les aspects conventionnels pour mieux souligner la fameuse «chaîne des amours». L’actualité d’Andromaque provient sans doute de la nouvelle manière de traiter la tragédie que Racine y faisait voir, à laquelle s’ajoutent des thèmes — exclusivité de la passion et folie — souvent privilégiés par le spectateur du XXe siècle.

 Résumé d'Andromaque
Oreste, le fils d’Agamemnon, est envoyé par les Grecs à Buthrote pour demander à Pyrrhus, roi d’Épire, qu’il lui livre Astyanax, le fils de sa captive troyenne Andromaque. Or Pyrrhus aime Andromaque et délaisse sa fiancée Hermione, fille d’Hélène. Pour Oreste, qui n’a cessé d’aimer en vain Hermione, l’espoir renaît. Pyrrhus s’est opposé à la demande d’Oreste, mais exige d’Andromaque, pour prix de la sécurité de son fils, qu’elle l’épouse (Acte I). Hermione, à qui Oreste est venu déclarer la constance de son amour, le repousse, et, piquée du refus de Pyrrhus, demande à Oreste de renouveler sa requête. Pyrrhus a réfléchi et accepte de livrer Astyanax (Acte II). Oreste, voyant son espoir s’évanouir avec cette décision qui semble éloigner Pyrrhus d’Andromaque, projette d’enlever Hermione. Son ami Pylade l’y aidera. Hermione triomphe et éconduit Andromaque venue lui demander de sauver son fils. Celle-ci supplie alors Pyrrhus, qui renouvelle son ultimatum. Elle va se recueillir sur le tombeau de son époux Hector (Acte III). Elle se décide à épouser Pyrrhus mais se tuera juste après la cérémonie: Astyanax sera alors sauvé. Hermione, bafouée par Pyrrhus, exige d’Oreste comme preuve d’amour qu’il le tue (Acte IV). Oreste vient annoncer la mort de Pyrrhus à Hermione. Loin de lui accorder sa main, furieuse, elle le chasse et se suicide. L’apprenant, Oreste devient fou, laissant Andromaque prendre le royaume en main (Acte V).
 Analyse de la pièce
 Avec Andromaque, Racine donne la mesure d’un talent original que ses pièces précédentes n’avaient pas pleinement révélé. En effet, cette pièce correspond à une rupture dans la conception du tragique jusqu’alors dominante, essentiellement illustrée par Corneille. On reprocha à Racine la brutalité de Pyrrhus, dont l’attitude à l’égard d’Hermione n’est pas celle d’un honnête homme (il ne tient pas sa promesse de l’épouser). Ces critiques eurent un écho réel auprès du public de l’époque comme en témoigne le succès de la parodie par Subligny. Racine a beau se défendre dans sa Préface, les doctes avaient senti combien sa pièce s’éloignait de la tradition chevaleresque dont elle détruisait les valeurs. On peut considérer que le tragique s’y déplace selon deux grands axes. Le premier se nourrit encore d’éléments traditionnels: fidélité à toute épreuve d’Oreste envers Hermione, qui peut aller jusqu’à l’abaissement de soi par le meurtre; mise en balance de l’intérêt des Grecs et de l’amour voué par Pyrrhus à Andromaque. Mais un déplacement s’opère dans la mesure où ces éléments sont entachés d’impureté: Oreste ne tuera pas Pyrrhus dans un combat singulier et ne fera qu’ajouter son coup meurtrier à ceux des autres. Son geste est sans gloire. Et si sa folie qui éclate lors du dénouement peut le rendre tragique, ce tragique le dégage de toute référence à un ordre social que la folie ne lui permet plus d’appréhender. Elle le libère d’une représentation du monde à laquelle il n’a pu s’intégrer (ses vains efforts pour oublier Hermione par le sacrifice de soi en témoignent, I, 1 et II, 2). La folie est un dénouement par la fuite. Un lecteur du XXe siècle y est particulièrement sensible, peut-être parce qu’elle est devenue à ses yeux la seule réponse possible à l’inadéquation au monde quand les valeurs s’effritent. Oreste fou, c’est la tradition chevaleresque qui s’achève en refusant au moi la tragédie d’un déchirement entre des valeurs de poids égal. Le personnage d’Oreste constitue la figure emblématique de la fin d’un monde héroïque qui emporte avec elle une certaine forme du tragique.
 Parallèlement, et il s’agit du second axe selon lequel s’opère le déplacement du tragique, on remarque la naissance d’une force transcendante au monde des hommes, figurée par le tombeau d’Hector. Le «dieu caché» dont parlait L. Goldmann se manifeste ici et son apparition confirme la destruction des valeurs chevaleresques. Que toute la tragédie soit «suspendue à un cadavre» (R. Picard) révèle que l’essentiel n’est pas de ce monde, que l’héroïsme ne permet plus au moi de se constituer, mais provoque au contraire irrémédiablement sa perte. Chacun des personnages, sauf Andromaque que sa fidélité au mort préserve, est victime des exigences de son moi: Hermione est orgueilleuse (II, 1 et III, 2) autant qu’amoureuse et suscite la catastrophe en satisfaisant une cruauté tyrannique qui lui renvoie d’elle l’image flatteuse d’une héroïne capable de se venger seule (IV, 3). Pyrrhus, que l’amour ne favorise pas, se rabat sur son autorité de souverain, unique moyen de combler ses désirs sans déchoir: lorsqu’il avoue son amour à Andromaque, il exprime dans le célèbre «Brûlé de plus de feux que je n’en allumai» (I, 4) sa flamme amoureuse autant que le dégoût d’un passé glorieux qui le torture. Mais cette confession inefficace se métamorphose en menace: puisque ce reniement n’a pas suffi à lui ouvrir le cœur de sa captive, Pyrrhus tente de reconstituer son moi héroïque par un acte d’autorité qui lui redonne l’offensive. Quant à Oreste, avant de sombrer dans la folie, il incarne le héros fatigué («[...] et tu m’as vu depuis / Traîner de mers en mers ma chaîne et mes ennuis», I, 1) qui se contente, quoi qu’il en dise («J’aime; je viens chercher Hermione en ces lieux / La fléchir, l’enlever ou mourir à ses yeux»), d’exploiter une situation qui lui est favorable, mais qu’il n’a pas provoquée. Sa faiblesse conduira au dénouement au même titre que le chantage exercé par Pyrrhus. La situation telle qu’Oreste veut l’analyser réduit l’intelligence à une duperie car toute décision ou tout acte qui en découle sont ramenés à de vaines agitations qui, loin de résoudre les conflits, font tourner les engrenages encore plus vite et conduisent les personnages vers leur anéantissement.

 La chaîne des amours (Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector) n’est en ce sens que le procédé poétique — d’ailleurs très courant dans les romans pastoraux — de l’expression d’une fatalité venue de plus loin, plus loin que la guerre de Troie, qui fait de chaque personnage un «juste pécheur» (L. Goldmann) et l’installe au sein d’une tragédie qui lui est propre. Si l’intrigue est nouée, simplement mais indissolublement, par des amours non partagées, chaque caractère développe une réaction originale qui rend le tragique de sa situation unique. Aucun des personnages principaux n’est tout à fait bon ou tout à fait mauvais, et l’on s’intéresse autant au sort d’Hermione bafouée qu’à celui d’Andromaque. La force de la pièce tient à la clarté et à l’intransigeance avec lesquelles s’expriment tous les personnages. On remarquera que la volonté d’Oreste de gagner Hermione apparaît comme une donnée initiale (I, 1) que le comportement de celle-ci ne se modifiera pas, et que le revirement de Pyrrhus n’est l’occasion d’aucun monologue délibératif, mais s’opère au contraire avec une aisance étonnante qui évite au spectateur de disperser son attention. La composition souligne, par sa régularité mécanique, l’implacable rigueur qui préside au destin des personnages: deux grandes scènes par acte, sauf au dernier où Pyrrhus meurt; la première est consacrée à Oreste ou à Hermione, la seconde à Pyrrhus ou à Andromaque; ces scènes ne donnent des ouvertures possibles à l’intrigue qu’en apparence, en réalité elles resserrent l’étau. Le seul moment de pause — Andromaque se recueillant sur le tombeau d’Hector —, censé se dérouler entre le troisième et le quatrième acte, n’est pas restitué sur scène. On évite ainsi un monologue qui aurait pu laisser libre cours aux pleurs amoureux d’Andromaque et altérer, par l’expression d’une passion encore vivante, l’image de piété vouée aux mânes d’un époux.

jueves, 28 de enero de 2016

Andromaque la présentation au théâtre


sources

http://www.e-olympos.com/theatre.htm
http://www.theatrons.com/origine.php
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/histoire_du_th%C3%A9%C3%A2tre/96913
http://jfbradu.free.fr/GRECEANTIQUE/GRECE%20CONTINENTALE/PAGES%20THEMATIQUES/theatregrec.php3
http://www.ac-nice.fr/ienvalsiagne/admin/administration/concertation_theatre/histoire.htm
http://www.ac-grenoble.fr/webcurie/pedagogie/lettres/francais/methode/genres_litteraires.htm
https://www.docs-en-stock.com/philosophie-et-litterature/theatre-genre-litteraire-particulier-402254.html
http://zonelitteraire.e-monsite.com/pages/citations/citations-sur-le-theatre.html
http://zonelitteraire.e-monsite.com/pages/citations/citations-sur-le-theatre.html
http://www.maxicours.com/se/fiche/6/4/12964.html